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Ecriture pour la scène |
Le loup sort de derrière son rideau. Pantalon blanc, tee-shirt blanc, bretelles rouges, casquette rouge portée devant derrière, un côté mauvais garçon. Il prend des pauses menaçantes, mais n’a pas vu Pinocchio. Passe un oiseau qu’il suit des yeux ( nous ne voyons pas l’oiseau mais le devinons dans le regard du loup) Il l’attrape en plein vol, le regarde avec cruauté, s’apprête à le manger. Il suspend son geste, puis change de mine :
- Allez, respire, l’emplumé. C’était juste pour m’amuser un peu. Pas envie d’attraper ta cochonnerie de grippe. Dégage !
Il le relâche.
Son regard tombe alors sur le pauvre Pinocchio et il éclate de rire. Tout à coup, il est beaucoup moins terrifiant :
- T’es déjà là, toi ? J’avais entendu dire que tu nous rendrais visite mais je ne t’attendais pas si tôt.
- Bonjour, monsieur ! bégaie Pinocchio, terrifié.
- Tu trembles, carcasse !
Le loup a repris sa tête de méchant. Il fait vraiment peur.
- Non, non monsieur !
- Tu mens, Pinocchio. Je te vois qui tremble !
- Non, non monsieur !
- Si, tu mens ! Et c’est bien, fiston ! C’est ton rôle ! Tu es un menteur !
- Mais pas du tout. Je veux devenir un vrai petit garçon, et pour ça…
- …tu dois te conduire comme un ange ! Espèce d’âne ! Si tu crois que les vrais petits garçons mentent moins que les pantins, tu te fiches le doigt dans le nez ! Heu, je veux dire, dans l’œil ! Tu es un menteur, tu dis que t’as pas peur, j’en déduis que tu as peur. Et de quoi tu as peur ?
- Que vous me mangiez.
- Ne serait-ce pas plutôt que tu as peur de grandir ?
- …
- Trouves-tu normal qu’un pantin parle avec un loup ?
- C’est pas normal, ça ?
- Dans une vraie vie d’adulte, pas trop, non. Mais dans les contes, c’est on ne peut plus classique.
- Mais je veux aller dans la vraie vie, moi !
- Pauvre niais ! Comme si c’était mieux !
- Ah ben si, quand même, dans la vraie vie, les filles ne tournent pas sur elles-mêmes, un balai à la main, en chantant pendant des siècles pour faire venir leur prince charmant !
- Mouais ! J’ai l’impression que tu as encore beaucoup à apprendre.
- Vous, c’est quoi votre rôle ? demande Pinocchio qui s’est un peu détendu au cours des répliques.
- Je me dois de manger les petits enfants !
Il s’est redressé de toute sa hauteur, très menaçant !
- Je ne suis pas un petit enfant ! Je ne suis pas un petit enfant ! Je suis un pantin ! Tout en bois, très coriace !
- J’avais remarqué ! J’ai la dent dure, mais je te trouve en effet un peu indigeste ! Pourtant, je mange tout ce qui bouge, des petits cochons, des renards, des agneaux. Mais mes préférés, ce sont les petits enfants, bien gras.
- Mais c’est horrible !
Le Loup se fâche tout rouge.
- C’est mon boulot ! Et je le fais bien, je te prie de le croire !
- Pourquoi c’est à vous qu’on a collé le rôle du méchant ?
- Parce que je suis le plus gentil, pardi ! Je me suis dévoué.
- Non !
- Si je te le dis !
- Je ne vous crois pas !
- Traite-moi de menteur, tant que tu y es ! Méchant, mais droit, mon garçon. Le mensonge, c’est pour le renard. Sauf en Italie, où c’est pour toi.
- Non, je ne veux pas !
- Alors, va te plaindre auprès du signor Lorenzini. C’est lui qui t’a écrit.
- …
- Moi, je n’y peux rien. Allez, salut, il y a un enfant qui réclame une histoire, il faut que j’aille remplir mon rôle. Ciao, Pantin ! (prononcé à l’italienne)
- Zut ! il est parti si vite, j’ai oublié de lui demander le chemin.
Noir |
Création au théâtre des Célestins (Lyon) Juin 2006
Mise en scène et direction musicale: Samuel Sené
Interprètes : Christophe Favre, Isabelle Fleur et Jérôme Sauvion
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